Et voici un extrait…

Il est assis au restaurant, face à une jeune femme de son âge qu’il tente de séduire.
En pleine conversation, elle lui dit brutalement.

« Il faut que je te dise un truc, Jean… T’es un mec bien. T’es toujours d’accord, toujours arrangeant, tellement sympa… Mais je ne sais pas qui tu es, en fait. »

Elle s’appuie sur la table et ajoute après un silence :

« Si, je sais… t’es fade. »

Paul sent alors une brûlure dans sa gorge, comme un café trop chaud avalé trop vite. Il a souri, mais c’est un sourire mécanique. Il hoche la tête, comme si de rien n’était, comme il l’a toujours fait.

En rentrant, ce soir-là, il s’est regardé dans le miroir. Son reflet lui a renvoyé la question qu’il avait toujours fui : Qui es-tu vraiment ?

Il ne savait pas.

Enfant, il était sage comme une image. Toujours d’accord avec les adultes, toujours poli, toujours prêt à faire plaisir. On le félicitait, on l’encourageait. Il avait vite compris qu’un enfant bien élevé était un enfant aimé.

Adolescent, il s’adaptait à chaque groupe. Avec les footballeurs, il prétendait aimer le football. Avec les intellos, il feignait une passion pour Kierkegaard et les films japonais en VO. Il était un caméléon, toujours en phase avec son entourage.

Adulte, ce réflexe était devenu une seconde nature. Il riait aux blagues qu’il ne trouvait pas drôles. Il acquiesçait pour éviter le conflit. Il était devenu un expert en lissage de personnalité.

Ce soir-là, en fixant son propre regard dans le miroir, une pensée lui traversa l’esprit comme un éclair : « On ne m’aime que pour ce que je donne aux autres ! »

(Extrait tiré du chapitre 1 , partie 1.)